Par Bois Annonces - 09 novembre 2023

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Le marché européen de la charpente et de la construction bois est dominé aujourd’hui par les produits à base d’épicéa. Le volume sur pied disponible est difficile à évaluer mais reste conséquent même après 5 années de crise du scolyte. La quantité d’épicéa disponible, la force de l’industrie associée et son imbrication européenne se conjugue avec les coupes sanitaires pour permettre sans doute à l’épicéa de dominer le marché européen du bois de structure pendant au moins un certain nombre d’années. Les essences alternatives ont fort à faire pour se tailler une part du marché. Cette domination aura sans doute une fin.

Les replantations évitent cette essence trop menacée. On peut difficilement tabler sur un remplaçant, mais sans doute sur une palette de compétiteurs et parmi eux, le paulownia bénéficie à la fois d’une bonne et d’une mauvaise presse. Pour les experts, il s’agit d’un mauvais bois longtemps importé de Chine, d’une essence mise à l’index car invasive, notamment pour la variante tomentosa pourtant abondamment utilisée à Paris. Tout aussi problématique est l’idée de cultiver des arbres comme de l’agriculture, en rangs d’oignons. En contrepartie, le paulownia attire le grand public par son extrême capacité à pousser et stocker le carbone. De même, il se peut que cet arbre soit bien utile pour développer l’agro-foresterie, soit protéger les cultures par un couvert végétal.

Le paulownia n’est guère porté par les institutions des filières bois nationales ou européennes parce qu’il sort du cadre et entre plutôt dans le cadre de l’agriculture. Par contre, un marché des produits transformés à base de paulownia est en train de naître et, en évitant provisoirement celui dominé par l’épicéa pour la construction, il se caractérise par une forte rentabilité, une grande demande non satisfaite par l’offre, un potentiel de croissance servi par de multiples marchés de niche qui tirent profit d’un bois très léger.

On a beau marteler qu’il faut manger moins de viande, la réalité de notre époque privilégie la filière maïs associé au biogaz. C’est un peu l’épicéa de l’agriculture. Il n’empêche que l’on devrait voir se développer assez massivement, au cours des prochaines années, les plantations de paulownia. Ses besoins en eau méritent une étude comparative au même titre que ceux en engrais, apparemment concentrés également sur les trois premières années. Les insecticides ne sont pas nécessaires même si l’essence fait face à des menaces naturelles (souris, lapins, ongulés…). Selon le fondateur de WeGrow, Peter Diessenbacher, les analyses effectuées durant ses études montre que les besoins en eau du Paulownia sont inférieurs à ceux des autres plantes agricoles.

Pour l’instant, le Paulownia est en train de gravir sa pente médiatique comme grand espoir de captation du carbone. Mais l’on sait que dans notre civilisation du spectacle, les gloires sont parfois éphémères et les mises à l’index difficiles à contrer. Pour l’instant, malgré une sympathie évidente des chaînes de télévision, le marché du paulownia se développe un peu en catimini dans sa petite niche avec des pionniers qui mesurent les succès et les revers.

En France, parmi les premiers acteurs, il y a Renaud David de Paulownia France, qui revendique une présence sur ce marché de 20 ans déjà. Avec son aide, Frédérique Santi a lancé en 2019 un site test avec le céréalier Hugo Augé, comme on lit sur le site Du métier. Cent arbres à Guercheville, en limite d’une parcelle cultivée et selon « la surface maximale autorisée par l’administration pour des cultures non agricoles afin de continuer à toucher les aides européennes ». Dans une dizaine d’années, les grumes rempliront un camion. Parallèlement, Renaud David et l’entreprise France Paulownia d’Ares en Gironde lancent Ecoplante 374, une sélection adoptant un DBH de 35-45 cm sur 5 m de bille droite entre 6 et 8 ans en climat méditerranéen ou continental.

De Renaud David, il est dit sur le média De métier qu’il suit plusieurs plantations en Europe et au Maghreb et collabore également avec un centre de recherche en Roumanie pour sélectionner ses plants. Selon lui, son approche est très différente de celle de l’Allemand WeGrow, représenté en France par Arbre Paulownia, une entreprise créée en 2021 à Plougoulm en Bretagne par Julien Kloesmeyer et Sandrine Berkel. WeGrow, installé à Tönisvorst en Basse-Rhénanie, est certainement l’entreprise la mieux structurée d’Europe sur ce marché. Créée en 2009, elle vient de procéder une augmentation de capital et s’ouvre à des investisseurs privés. L’entreprise est partie de la manipulation d’un hybride non reproducteur et donc non invasif, l’adaptant au risque de gel et donc à la plantation en Allemagne. Il n’empêche que c’est en Espagne que WeGrow dispose de ses principales plantations. Le siège allemand produit l’hiver des tous petits plants acheminés par avion ers l’hémisphère sud, ou le reste du temps des plants plus grands transportés par camion. WeGrow conseille les acheteurs notamment durant les trois premières années intensives suivant la plantation, a accumulé une riche expérience et propose aux clients de racheter le bois au moment de la récolte après 8-12 ans. Si la croissance voulue est atteinte après 8 ans, le rachat se fait dès cette date.

WeGrow est parvenu à finir le cycle tout comme il semble plusieurs autres pays européens mais pas la France, et se concentre de plus en plus dans le développement de la filière aval, sachant que l’offre est de très loin inférieure à la demande dans des domaines de plus en plus nombreux, et qu’elle est en mesure de faire masse. C’est pour cela qu’elle a changé sa politique et privilégie les contrats qui lui permettent de reprendre le bois après la croissance des arbres. Les grumes sont débitées près des plantations par des scieries et les sciages secs sont mis en vente.

WeGrow est bien conscient que la situation européenne de l’épicéa ne permet pas de rivaliser encore pendant plusieurs années, et par ailleurs, même si la production de bois de paulownia progresse, les volumes sont encore très faibles au regard du marché de l’épicéa. Pour autant, WeGrow multiplie les coopérations pour tester des solutions constructives, mais aussi toutes sortes de solutions innovantes d’aménagement.

Récemment, WeGrow a publié sur la possibilité désormais offerte en Allemagne dans le domaine de l’agro-foresterie. Deux options se côtoient, la première consiste à utiliser les premières années de croissance pour développer des cultures, au moment où la canopée n’est pas encore trop développée. Cependant, les cultures attirent les rongeurs et gênent les interventions fréquentes pour les premières années. Quant à l’agro-foresterie sur de longues années, il faut soi veiller à disposer de canopées assez ouvertes, ou bien espacer les rangs. Les contraintes réglementaires et les aides constituent actuellement toujours des entraves au développement de l’agro-foresterie, mais ce sujet autrefois la coqueluche de colloques semblent en train de devenir une question réelle mais pas forcément la spécialité de WeGrow.

Si le paulownia est un monstre en termes de séquestration de carbone, c’est à cause de ses grandes feuilles. Mais la photosynthèse ne fonctionne que grâce à l’eau et les plants ont besoin d’un apport d’eau notamment durant les trois premières années. C’est un peu ce qui les distingue des plantations sylvestres ou le régime hydraulique est laissé à la merci des intempéries. En plus de l’eau, il faut des engrais. Mais à surface équivalente, un hectare d’hybrides WeGrow est censé capter entre 35 et 45 tonnes de CO2 par an, contre 10 à 13 tonnes selon WeGrow pour une forêt mixte. Ce qui veut dire que le paulownia va devenir l’appoint carbone de l’agriculture comme le bois est l’appoint carbone du Bâtiment. Sauf que le Bâtiment est en train de faire sa mue dans la foulée de la RE2020 et malgré de fortes résistances de toute la filière, mais qu’on ne peut pas en dire de même de l’agriculture française ou européenne.

Source : fordaq.com